HOMMAGE A GILLES GREFFIER MON MARI

HOMMAGE A GILLES GREFFIER  MON MARI

LE DEUIL JOUR APRES JOUR

 

 

La douleur est l'amère potion par laquelle le médecin qui est en nous guérit notre âme morbide. Fiez vous à votre médecin intérieur et buvez son remède en silence et tranquillement car sa main, quoique lourde et rude, est guidée par sa main tendre de l' invincible, la coupe qu'il apporte quoiqu'elle brûle nos lèvres a été modelée de l'argile que le potier humecte de ses larmes sacrées .......

KHALIL GIBRAN, Le Prophète

 

J'ai un jour appris à aimer vraiment, j'avais 40 ans .... l'amour qui est entré en moi m'a submergée, j'ai appris à faire de la place dans mon passé puisqu' avec Gilles il n'y avait plus rien avant pour lui comme pour moi ... je le revois me dire

 "il n'y a que toi il n'y a rien eu avant ... "

et moi pareil ...

Dès notre rencontre j'ai su ...( même si j'ai eu très peur au début et qu'il m'a fallu 3 semaines pour lui dire oui ) ....  c'est toi ... Gilles l' a su dès le début ....lui ....

Notre complicité, notre intimité est à jamais gravée en moi ...des connivences d'adolescents, notre bulle crée pour nous , notre monde ... nos couleurs et nos instants fugaces dont nous étions les détenteurs ...

Je me rappelle 2 mois après notre rencontre un début de soirée où nous dansions comme des ados et ou nous nous disions nous ne serons jamais mari et femme, qu'il était trop tard pour nous ....maman et papa ... mais qu'est ce qu'on s'aime ... comme aucun couple ne s'aime ... et puis ... le premier " je t'aime"  où Gilles se cachait le visage sous l'oreiller et puis me regardait en souriant .... c'était trop beau ...

Mon premier "je t'aime " où j'ai rougis .... que d' émotions réciproques ... le bonheur de deux amoureux ...que la vie avait déja bien fragilisée ....

Un instant plus tard car le temps n'avait plus d'importance il est devenu mon compagnon, mon conjoint et mon mari ....quelle demande en mariage  !!! ....comme il y a 20 ans .... un genou à terre et me demandant ainsi qu'à mon père quelques jours plus tard .... ma main ... le rêve .... pour une romantique comme moi et comme Gilles qui l'était aussi.

La trame de notre vie se tissait ... consciente et inconsciente .. nos vies se nourrissaient l'une de l'autre part un échange réciproque d'amour et de tendresse ... l'unique alchimie qui nous permettait de regarder devant chaque matin ...

J'ai cherché pendant 40 ans mon double , mon frère, mon mari .... et là ... au détour d'un banc public .... une rencontre ... définitive ... et éternelle ... ou l'affectif, le spirituel et l'amour étaient là au bon moment ...

Jour après jour, nous avons renforcé notre lien par l'affinité de nos interactions qui ont fait vivre notre relation.

La mort subite m'a arrachée à mon mari, à l'homme, au frère, à l'ami , à mon double tant recherché et tant attendu ...

 

 

Au début je n'ai pas compris, sous cachets, j'ai dormi, cru en un rêve et un cauchemard liés, à un mauvais jour qui se répétait à chaque fois que je me réveillais, puis les images, les dernières images qui me donnaient la nausée, qui m'ont fait vomir, qui m'ont fait me réveiller en sueur, tôt, très tôt le matin ....ou qui m'ont accompagnées dans mes blanches nuits ....tous les jours, toutes les heures par moments .........ces mêmes images et ce même scénario qui se répétaient ... et puis à chaque anniversaire mensuel, la dernière journée, les dernières heures qui se répétaient et je n'osais même plus regarder l'heure car je savais exactement ce que j'avai vécu ce jour là ........... j'ai fait un arrêt sur image ... j'ai cristallisé ces heures et je n'ai même pas pu pleurer au début étant choquée ... les médecins me disaient que ce n'était pas bon du tout.... ils redoutaient la prise de conscience et le moment où je regarderai enfin la réalité ........ la réalité c'est 4 fois par semaines où je vais sur la tombe et où cela me fait drôle comme dans un mauvais rêve de voir son nom sur cette urne ........j'ai l'impression par instants que ce n'est pas vrai ........même si les fleurs les plaques sont bien là ...

 

Une réalité absurde au début où il ne fallait rien dire, chaque mot était pris négativement dans la bouche des personnes qui m'ont cotoyées ... le moindre " ça va? " me mettait en colère .... comment voulez vous que ça aille, cela n'ira plus jamais bien ....laissez moi tranquille ... avec mes rêves de nous ... je veux dormir ne plus me réveiller ... je ne veux plus de cette réalité où tout m' indispose ...je ne voulais pas assimiler ce qui se passait ...

Du jour au lendemain, imaginez l'échange avec votre mari, votre compagnon qui s'interrompt ... on ne sait plus quoi faire , plus quoi dire ... et en plus la belle famille qui vous ignore et vous rejette ... il n'y a plus que cette effroyable douleur que se déploie à chaque réveil et qui dure et dure ........on a envie de partir de dormir de ne plus se réveiller ... ne plus souffrir ... ne plus ressentir quoi que ce soit ...

On a envie de retrouver ce qu'on a perdu ... on a envie d'investir toute notre énergie pour notre passé ... qui n'existe plus ...j'ai crié le prénom de mon mari sans qu'aucun écho ne me revienne ...cet écho qui me rassurait il y a quelques mois n'était plus là ...du jour au lendemain ...

Le pire dans cette situation c'est que je continue à vivre, à manger à peu près, au jour le jour ... à exister ... à survivre même cela me donne la nausée ...je suis las de tout ... je suis une coquille vide ... je suis là et ailleurs ...je donne l'illuson d'être là ... je voudrai me retrouver en moi avec lui en moi  ...

A travers le brouillard de ma souffrance, on me dit qu'il me faut accomplir un travail .... un travail à accomplir .... mon deuil ...

Faire le deuil ???  Colère, déni, colère je ne peux pas , je ne veux pas ...ces mots m'effraient ... comment combien de temps ??? je ne veux rien ... je veux aller le retrouver ...qu'il soit contre moi à jamais et entendre sa voix dans mon oreille qui me suçure ' je t'aime ma douce ' je ne veux pas d'une discipline d'un mot ... faire le deuil ....

Je ne veux pas .. je suis rebelle ...je sais que je ne veux pas rentrer dans l'annuaire des veuves ... je veux retrouver mon mari en rêve, par n'importe quel moyen ...

J'ai cherché Gilles partout ... j'ai senti ses habits pour avoir et garder son odeur ...me suis mise ses écharpes autour du cou ,  me suis endormie dans ses tee shirt, ses sweats tant que son odeur serait là ...me suis mise son parfum  et puis un matin .. je me suis rendue compte qu'il ne serait plus jamais là ... les yeux devant moi à la fenêtre, le regard dans le vide, j'ai compris .. compris qu'il n'y aurait jamais de retour en arrière, que le lien était rompu .. que j'étais seule ... seule ... sans lui à jamais ...mon dieu ...

 

A chaque mois qui commençait, chaque anniversaire, chaque fête, les premières fêtes de Noël, sans partage ...sans plus partager quoi que ce soit ...plus de musique à aimer les deux, plus de nuits l'un contre l'autre, plus de calins, plus de joies, de moments de rires, de conception d'un bébé ... rien le vide, le néant ... et ces années à venir seule sans lui ...toutes ses heures à l'attendre le temps que je le rejoigne au paradis ...

Je me trouve face à mes souvenirs, face à nos souvenirs, face à l'émotion qui lui est associée ...là ou ma peine se trouve ...

J'ai eu une période ou je n'ai pas mis ses photos pour ne plus penser ... no pensées ... cela a été mon alternative durant 15 jours ...j'avais décidée de ne plus ressentir pour ne plus avoir mal ...mais le prix à payer a été exorbitant et plus qu'il n'est possible de supporter ...effacer le souvenir c'était comme le perdre une seconde fois ...

Comme si je me coupais de ce qui faisait le coeur même de notre relation. je suis restée figée dans un no-mans land de non acceptation, un vide ...pour ne pas ressentir de douleur ... alors que j'étais douleur ... tout mon corps n'était que douleur ... la nuit ... les yeux ouverts je n'avais rien à me raccrocher dans le noir de ma chambre, de mon âme ...

Il y une autre voie qui se profile ... je ne peux refuser le deuil alors il fallait que je me réapproprie ce que j'avais douloureusement accepté d'abandonner.

Cette voie étrange m'a permis de retrouver ce que je croyais perdu à jamais ...

Avec fatigue, lassitude et soulagement .. j'ai appris à recréer en moi  un type de relation avec mon mari ...c'est parce que j'ai pris de plein fouet sa disparition et la violence de son acte, que je pouvais le retrouver en un lieu intérieur où je savais que plus jamais il ne partirait et ou je ne le perdrais plus ....

Il m'a fallu du temps pour accomplir cet état et très souvent j'ai pensé que je n'y arriverais pas ... J'ai compris que si je voulais me donner une chance de continuer à vivre, il me fallait renoncer à cet échange tel qu'il existait quand Gilles était encore vivant. Il me fallait apprendre à le rencontrer autrement. J'ai alors eu une alternative ou ce nouveau lien et en moi aujourd'hui et depuis 7 mois ... il trouve sa place auprès des liens du passé avec les images, les souvenirs que j'accueille maintenant avec bienvaillance dans ma mémoire ...

Je ne suis plus détruite par leur évocation ... cela me trouble, me fait avoir de belles images, cela m'émotionne, j'ai inscrit leur indélébile présence dans le récit de ma vie et j'accepte mon présent car je continue chaque jour à honorer la mémoire de mon époux d'une manière ou d'une autre ... sans lui mais avec lui en moi, il coule dans mes veines ...

 

Face à cette blessure soudaine, j'ai décidé d'accompagner activement le processus de cicatrisation, j'avais le choix de refuser ...

J'ai accepté cette décision prise en toute conscience, face à une situation que je n'avais pas choisie.

Ces soins jours après jours font mal, mais en étant ancrée dans la certitude que ce mal est nécessaire j'ai dû  prendre soin de mon coeur et de mon âme mutilée.

En décidant de faire activement face à ce qui est impensable, douloureux, à ce qui est présent dans ma vie, certes ma douleur n'est pas atténuée loin de là, mais j'ai choisi d'en faire quelque chose et de ne pas vivre passivement les événements.

Il m'aurait été facile d'aller le 09 novembre prochain dans une église, d'attendre la phrase du prêtre qui aurai parlé de Gilles 2 mns ... mais non je me refuse de ne rien faire ... d'être passive ... c'est pourquoi HIMMALYA RACE 2010 en NOVEMBRE en HOMMAGE  a GILLES est né ( voir article ).

Cette démarche est ce que j'appelle le  " travail de deuil ".

Il y a donc d'un côté le processus du deuil et de l'autre le travail de deuil qui procède de la courageuse décision d'accompagner le processus de guérison intérieure.

 

 

 

 

Le travail de deuil permet de canaliser la douleur en l'inscrivant dans quelque chose de cohérent et qui a du sens.

Ce travail est conséquent, il est la garantie que je ne perdrai pas à nouveau la personne aimée.

J'ai crée les conditions pour accueillir mon mari définitivement en moi, en ce lieu intérieur qui m'est propre et que plus rien ne pourra remettre en question malgré les années à venir.

Le travail de deuil est le garant du non- oubli.

Je sais qu'à travers le monde il y a des milliers de personnes qui connaissent ce que j'endure , la même souffrance qui me déchire aujourd'hui, je ne suis pas seule sur le chemin même si je reste solitaire.

Au bout du tunnel avec le temps je sais qu'il y a la lumière même si j'aurai une cicatrice à vie. Rien ni personne ne pourra le remplacer.

J'ai une zone de vulnérabilité et la cicatrice se réveillera avec les différents événements familiaux.

Le deuil est un vécu physique ou le corps parle, hurle sa douleur, par un épuisement qu'aucun repos ne compense.

Un état psychologique qui peut effrayer par son intensité.Vais je me sortir de cette camisole émotionnelle ?

C'est aussi un événement social et relationnel avec autrui ...

De plus on se sent devenir différente mais on ignore vers quoi on tend ... les repères éclatent, les certitudes tombent ...

J'ai mis du temps à comprendre ce qui m' est arrivé, aujourd'hui j'ai donné un sens à ma souffrance. Je  ne souffre plus à ' vide '.

Il n'y a pas deuil s'il n'y a pas d'attachement.

Aucun deuil n'est comparable ....il n'y a pas de recette ... il n'y a pas de bonne ou mauvaise façon, il n'y a qu'une personne qui vit au jour le jour ....après l'homme qu'elle a aimé, qu'elle aime ...et ce que je vis est unique et au-delà de toute comparaison avec une autre personne. Donc pas de jugements ...

Le processus se fera inévitablement, d'une façon naturelle mais il faut du temps.

La seule façon de sortir du tunnel c'est d'y entrer ...

 

 

 

AIDER APRES LA MORT ...

 

Dans le monde comptemporain, il est très fréquent qu'à la mort d'un proche, l'une des sources les plus profondes d'angoisse pour les proches en deuil soit la certitude qu'ils ne peuvent maintenant plus rien pour aider l'être cher qui est parti subitement , ce qui ne peut qu'aggraver et assombrir la solitude de leur chagrin.

Mais la vérité est autre. Il existe bien des façons d'apporter notre soutien aux défunts et de nous aider par là même à survivre à leur absence. L'une des caractéristiques du bouddhisme qui révele l'habileté et la compassion omnisciente des bouddhas, est de proposer de nombreuses pratiques permettant de venir en aide à la personne défunte et donc de réconforter ceux qui portent le deuil

Dans le bouddhisme la vie et la mort sont étrangement liés .. il est possible d'aider les autres dans toutes les situations imaginables, puisqu'il n'existe pas la moindre barrière entre ce que nous appelons " la vie " et " la mort "... un coeur empli de compassion peut étendre sa puissance de son rayonnement chaleureux à toutes les situations et à tous les mondes pour y apporter son aide ...

 

 

 

1 er  SEPTEMBRE 2010 ....

St GILLES

 

Ma première fête de toi   ..... sans toi 

Comment vivre sans toi depuis presque 10 mois et réparer mon coeur brisé depuis ton départ ...?

La seule cure c'est de grandir, d'évoluer, de regarder droit devant moi, de foncer vers l'avant ... vers le Népal pour retrouver tout ce que tu aimais , tous ceux que tu aimais et qui t'aimaient sincèrement et qui attendent de m'accueillir le 01 novembre avec Carine ... J moins 61 jours mon amour ...( voir article sur HIMMALAYA RACE 2010) 

1 jour particulier qui me rapproche un peu plus de toi ...Le temps n'efface rien au contraire ... c'est très dur ...

Tu ne reviendra pas, mais là - bas tu sera là ...  à chaque coin de rue à Katmandou, à chaque pas que je vais gravir dans ta montagne pour me rapprocher un peu plus du toit du monde ....tu sera là à chaque paysage que je vais voir grâce aux sherpas qui t'ont connu et respectés ... et m'attendent avec impatience pour me montrer ... ce que tu aimais ... j'ai tellement hâte mon amour ...tu sera là quand je vais embrasser les enfants du pays que tu avais tellement hâte de me faire rencontrer ... et mes deux protégés ...

car comme tu me le disais si bien ... " Regarde le Népal " ... en me montrant les enfants ... " Le Népal c'est cela ... "

Toute ma vie ainsi que celle de ma famille a été boulversée depuis ton départ ... j'accepte douloureusement que ma vie change pour mieux te retrouver là bas et être responsable de mon demain sans toi mais avec toi dans mes veines, dans mon coeur, dans mon âme.

 

 

QUAND ON RECULE L'IMPOSSIBLE , TOUT DEVIENT POSSIBLE ...

 

" ST EXUPERY "

 

 

 



14/06/2010
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